*Vendredi 18 juin

Je ne m'intéresse habituellement pas aux oiseaux mais dans cet environnement sauvage et en telle profusion, ils sont immédiatement plus intrigants. [...] Avec ce soleil, la mer belle dans le fjord, les animaux, les icebergs rigolos, l'Arctique semble ici comme un grand terrain de jeu sauvage et amusant, ouvert à toutes les expérimentations. L'opposé total de l'environnement rencontré, vécu à Bjornoya : grosses vagues, vent, tempête de neige et froid.*

J'écris ces lignes alors que nous venons de mouiller à vingt mètres d'une bande de terre, peut-être reliée à la terre, dans le fond de Hornsund. Derrière nous, des plaques de banquise dérivent lentement, mais elles semblent s'éloigner. Nous nous sommes faufilés dans l'étroit passage laissé libre entre les glaces et la presqu'île.

Quelques heures plus tard, la voix de Julien me tire du sommeil.

"Les gars, les gars, venez vite". Avant même la fin de sa phrase, l'intonation de sa voix m'avait fait comprendre que je devais sortir aussi rapidement que possible.

Sur la plage, à vingt mètres, un ours blanc nous regarde.

https://vimeo.com/660463115

Nous le remercions de nous avoir tirés de nos sacs de couchage.

En effet, quelques minutes plus tard, nous réalisons que le banc de glaçons le long duquel nous nous étions glissés a inversé sa dérive et nous encercle. Si nous ne nous dégageons pas rapidement, le risque est qu’il nous pousse vers la plage toute proche où nous nous échouerions lamentablement.

https://vimeo.com/660629198

*Mardi 22 juin

Le Svalbard est beau et sauvage. Sauvage "intimidant", mais pas vraiment hostile si l'on est bien sûr préparé. Avec un bateau un peu plus gros, je pense même qu'il peut être confortable et agréable d'y naviguer. Et l'on peut faire de la voile... si l'on se donne la peine de comprendre les systèmes météo et les vents thermiques.*

**

J'écris par une nuit blanche, sans obscurité et sans sommeil. J'ignore où est le Soleil, le ciel opaque ne permet jamais de le deviner, mais il éclaire chaque heure avec la même intensité. Les oiseaux chantent-ils en permanence avec le même entrain, ici ?

Le jour et la nuit sont gris et éblouissants, le ciel opaque masque un soleil qui ne se couche jamais.

Je repense à la phrase qu'affectionnait mon grand père. "Le travail préserve de trois grands maux. Le besoin, le vice et l'ennui". Je comprends l'attrait de la tranquillité d'esprit que le travail, le fait d'avoir un cadre, de dépenser son énergie, de finir la journée fatigué, de ne plus avoir le temps de penser, apportent. Mais cet ennui est dangereux. Le travail acharné et stérile n'apporte qu'un sentiment d'accomplissement éphémère et illusoire.

<aside> ➡️ Suite du journal : Semaine 8. L’été arctique

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